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Les 4x4 abandonnés de Renault et du Berex

 

Cette très jolie maquette de 1979 était une proposition pour le VVA.

Deux vues d'une maquette de 1981 du VVA dessinée par W. A. Gandini.

Deux maquettes du VVA qui préfigurent le futur prototype VGR.

Le prototype roulant du VGR.

La première Jeepsy est un petit 4x4 directement inspiré de la légendaire Jeep Willys. (dessins © Hubert Cossard)

Quand on pense au Berex, on pense naturellement à Alpine et à des projets à vocation sportive. Pourtant, le bureau d'études dieppois étudia aussi des véhicules d'une toute autre nature...

Le Berex (Bureau d'Études et de Recherches EXploratoires) naquit à Dieppe en 1979 de la fusion de Renault Sport 24 Heures du Mans et du bureau d'études Alpine. Sa vocation exploratoire implique naturellement qu'il n'avait pas vocation à voir forcément aboutir tous ses projets. Les différents projets de 4x4 développés à la fin des années 70 et au début des années 80 en sont un bon exemple.

Le VVA et le VGR

Sous les trois années de présidence de Georges Douin, le Berex développe le Véhicule Vert Alpine (VVA), "un Range Rover moderne" pour l'équipe de l'époque. En effet, le VVA comptait déjà sur une caisse autoporteuse, des suspensions indépendantes et une transmission intégrale grâce au savoir-faire des hommes du Berex qui avaient modifié une boîte de Trafic pour l'occasion. Le Véhicule Vert Alpine aurait dû être l'un des premiers SUV et, en tout cas, le premier SUV français. "Le projet avait tout pour aboutir", se rappelle Jean-Pierre Limondin, mais le VVA restera à l'état de maquette.

S'ensuit alors un autre projet du gabarit d'un Range Rover, dénommé Véhicule de Grand Randonnée (VGR) dont un prototype roulant est réalisé. Hélas, le programme sera rapidement abandonné car jugé en concurrence directe avec le nouveau Jeep Cherokee XJ. En effet, quand Renault a racheté le constructeur américain Américan Motors Corporation (AMC) en 1980, il a hérité par là même du Cherokee, un 4x4 qu'il compte bien importer en France. Le VGR aurait pu compromettre ses chances commerciales, ce qui explique l'abandon du projet. Les regrets seront d'autant plus grands en 1987 quand Renault revendra AMC à Chrysler et n'aura alors plus de 4x4 dans sa gamme.

Le Jeepsy, héritier de la "Jeep"

Par l'intermédiaire du Berex, Renault étudie au début des années 80 un projet de petit véhicule tout terrain, le Jeepsy, inspiré visiblement du concept-car Jeep II Concept qu'avait développé AMC (American Motors Corporation) en 1977. L'architecture de ce nouveau projet est apparemment basée sur une structure châssis porteur et une armature tubulaire soudée ; une carrosserie en matériau composite est collée ou vissée sur cet ensemble, un peu comme sur les Alpine Renault et les premières générations de Renault Espace fabriquées par Matra. La carrosserie reprend les lignes générales de la "Jeep", la légendaire Willys MB de 1944, d'où son nom de Jeepsy.

Le Jeepsy est équipé d'une suspension indépendante sur les 2 roues avant. Le groupe moto-propulseur diesel de la Renault 9, normalement positionné transversalement dans celle-ci, se retrouve en position longitudinale dans le nouveau concept. Du même coup, la boite de vitesses est modifiée pour renvoyer la puissance vers le pont avant et arrière. Une vitesse rampante et un différentiel central à blocage équipent cette boite de vitesse ; le pont arrière est également pourvu d'un blocage. Le Jeepsy pèse approximativement 800 kg pour une longueur d'environ 3,50 mètres.

Malgré ses qualités, le projet Jeepsy ne recevra hélas pas l'aval de la direction de Renault. Les difficultés financières que rencontre alors la marque l'empêcheront de se lancer dans ce qui paraît aux yeux des décideurs un marché de niche trop risqué à leurs yeux.

Le projet JJ ou "Jeep Junior"

Sous le nom de code JJ, Renault, qui est alors encore actionnaire d'AMC, a développé un développement du prototype Jeepsy sur une idée de François Castaing, un ingénieur français issu de chez Renault qui officie à l'époque comme ingénieur en chef d'AMC. En 1987, suite à la vente des parts de Renault dans AMC, Chrysler hérite du projet JJ, surnommé "Jeep Junior" même s'il n'a en fait jamais reçu aucun nom officiel ou commercial.

Le programme reprend son cours en 1989-90 avec l'expertise de Jeep et de Chrysler, mais Renault reste toutefois impliqué, et les deux firmes forment l'ARCAD, une entreprise chargée de poursuivre l'étude du projet. La carrosserie du JJ évolue vers un véhicule davantage typé loisirs, reprenant le concept de panneaux de carrosserie en polyester collés ou vissés sur une structure monocoque en aluminium. Le constructeur reprend également l'idée du moteur boîte transversale repositionné longitudinalement, et c'est la Dodge Omni (également vendue sous le nom de Plymouth Horizon), cousine américaine de notre Chrysler/Talbot Horizon, qui devient la donneuse d'organes. La JJ sera unique dans la gamme Jeep, un véhicule léger aussi performant que le Grand Cherokee d'alors mais coûtant entre 25 et 33% de moins, destiné plus particulièrement aux pays émergents mais également prévu pour être commercialisé comme la "Jeep du débutant" aux États-Unis.

Malheureusement, le projet JJ, pourtant presque finalisé, est abandonné à la fois par Chrysler et Renault, pour de multiples raisons. Tout d'abord, les deux firmes connaissent alors des difficultés financières. On raconte aussi que Chrysler n'aurait pas "digéré" l'alliance Renault-Volvo conclue en 1990 (et d'ailleurs avortée par la suite). On peut supposer également que les prétentions modestes du JJ en tout terrain, liées aux choix de transmission et de suspension, n'auront pas non plus plaidé en sa faveur. Chrysler, toutefois, conscient du potentiel du concept, recherchera un autre partenaire pour le projet, mais finira malgré tout par l'abandonner après qu'une soixantaine de prototypes de présérie aient été construits !

Si l'on en croit l'un des anciens de Chrysler sur le projet, "le véhicule était trop élaboré, et aurait nécessité une toute nouvelle usine qui ne se justifiait pas au vu du marché limité, d'autant que la firme lançait le Grand Cherokee à la même époque. Des études de marché montrèrent que les investissements seraient plus profitables sur les modèles BR (Dodge Ram) et Grand Cherokee seconde génération." Mais il ajoute qu'au final, ce qui a vraiment tué le JJ, c'est qu'il n'était "pas considéré comme une Jeep par la plupart des gens." Ce n'est qu'avec le recul qu'on comprend que la "Jeep Junior" était un concept très en avance sur son époque, devançant de plus de deux décennies des modèles comme le RAV 4 de Toyota, le X-Trail de Nissan et bien d’autres gros succès commerciaux à quatre roues motrices.

Le projet Jeepsy, deuxième du nom

Un tout autre projet de 4x4 très original sera étudié par Renault juste avant le rachat de Jeep par Chrysler. Bien que n'ayant absolument aucun rapport avec le premier projet de ce nom, il sera lui aussi baptisé Jeepsy. Il faut dire qu'il s'agit là d'un nom très bien trouvé, évoquant à la fois la Jeep (qui est encore à l'époque dans le giron de Renault), et le mot "gypsy", autrement dit gitan, bohème, ajoutant au concept un parfum d'aventure et de mystère. Ce Jeepsy sera montré en 1987 sous le forme d'une maquette de petit coupé surélevé aux formes aérodynamiques et futuristes.

L'abandon de Jeep aux Américains après 1988 sonnera le glas de ce projet qui était, aux dires de certaines personnes impliquées, parvenu assez loin dans son élaboration. Rien ne demeure hélas de cette belle aventure qui aurait pu placer le losange à l'avant-garde d'un marché bientôt en pleine expansion, et sur lequel il ne se lancera que sur le tard, puisqu'à l'exception du Scénic RX4 et de quelques concept-cars (Z03 Racoon, Z10 Koleos, Z14 Bebop SUV), il faudra attendre 20 ans de plus pour qu'un 4x4 original, le Koleos, soit présenté par la marque (pour la petite histoire, signalons que le Berex étudiera également deux variantes 4x4 de modèles Renault de série : une Fuego V6 4x4 ainsi qu'une Renault 19 4x4 Turbo).

Et depuis ?

Depuis, Renault a fait un bout de chemin dans le domaine des SUV et des 4x4, même s'il s'agit souvent de variations sur des modèles existants ou de rebadging de modèles Nissan (Alaskan dérivé du Navara et Kadjar du X-Trail). Le Koleos nouvelle génération a bien fait son apparition en 2016, mais il est destiné uniquement à certains marchés asiatiques. Alors quand Laurens van den Acker, responsable du design Renault, affirme que la silhouette du SUV "est la seule à pouvoir séduire un public mondial, et ainsi promouvoir les valeurs d'une marque Premium comme Alpine en Chine", on est évidemment en droit de se demander s'il n'y aurait pas un SUV Alpine à l'étude...

Selon le site JournalAuto.com, depuis le retour officiel de la Berlinette au salon de Genève 2017 un "faisceau d'indices" conduirait sur une nouvelle piste. Ainsi, le futur SUV d'Alpine pourrait faire l'objet d'un accord avec Daimler afin de reprendre la future base technique du futur GLA prévu pour 2019 (rappelons que Renault et Daimler ont signé un contrat définissant entre eux les termes d'un partage de technologie).

Stéphane BEAUMORT

Sources principales : Journal de l'Automobile du 29 avril 2005 - site Jeep Family d'Hubert Cossard - JournalAuto.com

Pour plus d'informations sur l'histoire du Berex, voir le site F5IDB , le site de Serge Rossi ainsi que le blog Fondu de voiture.

Pour en savoir plus sur la revente d'AMC/Jeep à Chrysler et ce que Renault y a gagné et perdu, voir le site Boitier Rouge.

Véritable clone de la Jeep originelle, cette première Jeepsy ne suscitera pas l'enthousiasme de Renault.

Prototype de Jeep JJ seconde génération par Chrysler (modèle de pré-production) en version hard top (photo © Mark Dayman)

Le JJ en versions Open Body, Canvas Full Top, Hard Top, et Wagon (dessins © Hubert Cossard)

La seconde Jeepsy était un coupé 4x4 aux lignes aérodynamiques futuristes.