Dernier des grands carrossiers français, Henri Chapron (toujours
en activité) crée son entreprise en 1919. Né en
1886, il fait son apprentissage avant la Première Guerre mondiale
dans les plus importantes maisons de l'époque. En 1919, il acquiert
un terrain à Neuilly et commence sa production par la
remise en état des voitures réquisitionnées pendant
la guerre, reconstruisant et rajeunissant les carrosseries devenues
désuètes. Mais sa principale activité se porte
sur la transformation des voitures militaires vendues par les Domaines,
notamment les surplus américains.
Le carrossier des voitures d'exception
A partir de 1922, les constructeurs français mettent sur le
marché de très beaux châssis, que Henri Chapron
carrossera pour eux en petite série. Sa collaboration avec
Delage ne cesseraa d'ailleurs qu'avec la fin de la marque. A la fin
des années vingt, Chapron, installé à Levallois
en 1927, emploie 350 personnes, mais la crise de 1930 le touche durement.
L'apparition de la Delahaye 135 lui apportera toutefois une
renommée
considérable dans le domaine de la voiture de sport luxueuse
et confortable. Presque toutes les Delahaye sortiront de ses ateliers,
avant et après la Seconde Guerre mondiale, habillées
de caisses à la fois très sportives et très raffinées
dans les détails. Afin d'atténuer l'aspect massif consécutif à l'application
des principes de l'aérodynamisme (intégration des ailes
et des phares), Henri Chapron présente, après la guerre,
des carrosseries deux tons, dont les ailes de teinte foncée
et les moulures donnent un aspect élancé à ces
grandes et grosses voitures. Jusque dans les années cinquante,
il exercera ses talents sur les dernières Delage, Delahaye,
Salmson et Talbot.
La crise des autos de prestige
Hélas, le grand carrossier de Levallois ne trouve
plus guère,
au milieu des années 50, de grands châssis sur lesquels
faire opérer son talent : les Salmson 2300S arrivent
en fin de carrière
(et de toutes façons en demie-teinte), Talbot est moribonde,
et Hotchkiss-Delahaye ne se consacre plus qu’à des Jeeps.
Alors que disparaissent les grandes marques, frappées par
la réglementation fiscale et la hausse des prix de revient,
il devient presque impossible à Henri Chapron de continuer à produire
des carrosseries de luxe. En 1954, une Delahaye 235 sortant
de ses ateliers coûte 3 800 000 anciens francs ! Alors, afin
de perpétuer
vaille que vaille son art, Chapron entreprend de descendre en gamme.
Au Salon 1955, Chapron propose à Simca
une Versailles transformée en coach, baptisée Orsay ;
pour Madame Peugeot, il carrosse un coach sur la base de la toute nouvelle 403.
Cependant, les contacts n’aboutissent pas vraiment,
et les choses en resteront là avec ces constructeurs.
Le salut vient de Renault
En octobre 1956, au Salon 57, Chapron retente sa chance, cette fois
sur la base de la toute nouvelle Dauphine, et présente ses coupé et
cabriolet Mouette. Si la base reste strictement d’origine, la
carrosserie est entièrement spécifique ; son pare-brise
est agrandi de 4 centimètres en hauteur par rapport à celui
d’origine, la carrosserie comprend en outre des ouvrants en alu
et mesure 10 cm de plus en largeur, la caisse, 7 de moins en hauteur
que la berline d’origine. Les sièges avant sont également
plus longs de 5cm, et la banquette arrière, de 7cm plus profonde.
Très élégante et superbement finie, la Mouette sera
l’une des reines des concours d’élégance
de la seconde moitié des années 50 (un coupé Mouette remportera
notamment la coupe du Casino en 1957 à Enghien-les-Bains).
Elle sera produite jusqu’en 1960, le cabriolet changeant de nom
en 1957 pour devenir « Racing » (le
coupé,
lui, gardera le nom de « Mouette »).
A l’automne 1958
et jusqu’à la fin de la production, les Racing recevront
des phares doubles superposés et coiffés d’une
visière à l’avant.
  
Outre
les Mouette et les Racing, Chapron produira également
les Dauphine et Ondine découvrables,
ainsi que de nombreuses autres variantes moins connues. La fin des
années
cinquante sera toutefois pour Henri Chapron une période difficile,
et la relance viendra paradoxalement d'un constructeur jusqu'alors
hostile à toute
modification de ses voitures : Citroën.
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