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Henney Kilowatt : la Dauphine électrique

 

L'un des trois prototypes de la Kilowatt. Son propriétaire possède aussi la voiture N°0000001 !

Un autre des prototypes également conservé.

La livrée rouge de la Kilowatt est caractéristique...

... mais pas exclusive !

La Henney Kilowatt est considérée à juste titre comme l'une des grandes réalisations de l'histoire automobile. Lancée pour l'année 1959, elle a été la première voiture électrique moderne (c'est à dire avec un système transistorisé) au monde. Elle préfigurait en ce sens tous les véhicules à batteries récents. La technologie de propulsion électrique développée pour la Kilowatt a également contribué au développement des véhicules hybrides modernes qui fonctionnent avec un moteur à essence à combustion interne en plus d'un système d'alimentation électrique. L'importance historique de la Kilowatt risque de devenir d'autant plus grande à l'avenir que les voitures électriques prennent un rôle de plus en plus grand au détriment de leurs homologues à essence.

Financement du programme

La Henney Kilowatt était un projet conjoint des firmes National Union Electric Company et Eureka Williams Company (lesquelles fusionneront en 1960 pour former la Eureka Williams Company). Le projet fut initié par B. L. England, president de National Union. Pour construire des voitures électriques, England et Russell Feldman de Eureka (futur patron de Motorola) s'adjoignirent les services de la filiale transports de la Henney Motor Company, située à Canastota, NY. Henney carrossait des véhicules sur mesure depuis 1868 et son nom était respecté dans l'industrie automobile du fait de son rattachement à la Packard Automobile Company. Henney avait produit des milliers de limousines, d'ambulances et de corbillards sur mesure (la plupart sur des châssis Packard) avant de se voir attribuer le projet Kilowatt. La National Union Electric Co. produisait également les batteries Exide et possèdait donc tout naturellement un intérêt à ce que l'industrie automobile américaine évolue des énergies fossiles vers les batteries au plomb. Morrison McMullan Jr., dirigeant de Exide Batteries, participera également au development de la Kilowatt.

Design et développement

Le mode de propulsion fut développé en liaison avec Victor Wouk, alors ingénieur en électricité à CalTech. Wouk est reconnu comme l'inventeur de la voiture hybride électrique. C'est lui qui recruta Lee DuBridge, alors président de CalTech, et Linus Carl Pauling (un chimiste et physicien américain très célèbre) pour l'assister dans l'évaluation et le développement de l'électronique embarquée. Wouk élabora l'indispensable contrôleur de vitesse de la Kilowatt, qui fut ensuite fabriqué par Curtis Instruments. Après avoir étudié les phénomènes electrophysiques qui sous-tendent le mode de propulsion, Pauling conclut que les batteries classiques acide-plomb ne pourraient fournir la puissance nécessaire pour rivaliser avec les performances des voitures à essence. Il prédit même avec justesse que la faible vitesse de pointe et le manque d'autonomie de ce type de véhicules risquaient de compromettre le succès de la Kilowatt, mais Eureka Williams décidera tout de même de la commercialiser. En tant que défenseur actif des voitures écologiques, Pauling s'efforcera néanmoins de rendre la voiture le plus pratique possible avant de la révéler au public. Il suggèrera aussi par la suite d'interrompre le programme jusqu'à ce qu'une batterie adaptée soit disponible sur le marché.

Le mode de propulsion électrique de la Kilowatt fut élaboré et construit par Eureka Williams à Bloomington, dans l'Illinois. Henney Coachworks fut mandaté pour assembler le châssis du véhicule à partir d'outilllage et de pièces achetés auprès de Renault. De ce fait, de nombreux éléments de carrosserie et d'équipement étaient quasiment identiques à ceux de la Dauphine. En revanche, elle avait perdu tous ses sigles d'origine, remplacés par des logos personnalisés.

Caractéristiques et performances

Les modèles 1959 fonctionnaient tous sur un système 36V constitué de 18 batteries de 2V montées en série. Ces véhicules avaient une vitesse maximale de 64 km/h et une autonomie d'environ 64 kilomètres en pleine charge. Quand le système 36V fut jugé inadéquat, Eureka Williams le remplaça pour le modèle 1960 par un système 72V qui utilisait 12 batteries séquentielles de 6V. Ces nouvelles Kilowatt se révélèrent beaucoup plus pratiques que les précédentes, affichant une vitesse maximale de plus de 96 km/h et une autonomie de plus de 96 km pour une seule charge. D'après le site Dauphinomaniac, il aurait même existé deux versions de la Kilowatt 1960 : le modèle A, décrit ci-dessus, qui était destiné à un usage urbain, et le modèle B, qui utilisait 2 batteries de plus pour un total de 84V et montait jusqu'à 80 km/h pour une autonomie maximale de 80 km. D'un point de vue technique, la différence principale entre les deux résidait dans le type de courant utilisé : le modèle A se rechargeait en 8 à 10 heures sur du 110V tandis que le modèle B ne prenait que 4 à 8 heures mais sur du 220V. Leurs prix de vente étaient respectivement de 3995 et 5995 $. Disponibles en rouge ou en gris, tous ces modèles avaient en commun les freins hydrauliques, l'absence d'embrayage, et une batterie supplémentaire de 12V pour les accessoires, l'éclairage, etc. Le poids d'une Kilowatt variait de 968 à 1154 kg selon les versions et les équipements.

Promotion

Les documents de promotion de l'époque ne tarissent pas d'éloge au sujet de la Kilowatt, présentée comme la solution du futur... "La Henney Kilowatt apporte à la conduite la simplicité, la fiabilité et la supériorité de l'électricité. Plus besoin de réglages, plus de risques de caler, et les risques de pannes sont pratiquement éliminés. Le moteur est relié directement à une boite de vitesses unique. La maintenance ne nécessite que de recharger les batteries de temps en temps et de lubrifier le châssis (...) Le moteur tractif est fait pour durer indéfiniment. La Kilowatt utilise la carrosserie la plus ingénieuse et la plus populaire des petites voitures du marché, celle de la Renault Dauphine (...) En trois ans aux mains des conducteurs américains, elle a prouvé qu'elle était sûre, robuste et fiable. Il y a de la place pour la tête et les jambes. Le conducteur n'éprouve aucune fatigue dans les sièges semi-baquets réglables, faits de ressorts et rembourrés de mousse épaisse. La conduite est légère et agréable. Les freins hydrauliques Lockheed agissent sur les quatre roues. Du verre sécurisé est utilisé pour l'ensemble des vitres. Les pare-chocs boulonnés réduisent le temps de main d'oeuvre et les efforts pour ramener la maintenance à son strict minimum. La Henney Kilowatt combine tous les avantages d'un système électrique économique et fiable avec l'esthétique d'une petite voiture élégante ainsi qu'un rapport poids à vide/poids en charge très élevé. Il en résulte une prise en main et une conduite extraordinaires pour une voiture faite pour durer... ainsi qu'un coût de fonctionnement inédit jusqu'à présent". Vendue avec une garantie de 6 mois, la Kilowatt pouvait aussi être dotée d'une option chauffage/dégivrage à 400 $. Le délai de livraison typique était de 3 mois.

Production et ventes

Si l'on en croit le site Dauphinomaniac, Renault vendit 100 châssis roulants à Henney Coachworks pour le programme Kilowatt, mais seulement 47 véhicules auraient finalement été construits. Un article du U.S. News & World Report daté du 20 mars 1967 affirme que 35 des Kilowatt auraient été vendues à des compagnies d'électricité aux Etats-Unis. Des documents internes de la firme montrent que 24 modèles 1959 et 8 modèles 1960 auraient été vendus. Il est donc difficile de savoir si les 15 autres exemplaires ont ou non été construits, mais certains documents semblent attester du fait qu'il pourraient avoir été vendus en tant que modèles 1961 et peut-être même 1962. Aucun des huit véhicules vendus au titre de l'année 1960 ne fut acheté par un particulier en raison des coûts de fabrication élevés du système 72V. Au lieu de cela, ils devinrent la propriété de coopératives électriques qui avaient financé le développement de la Kilowatt. La firme Henney continua de promouvoir le modèle en 1961 dans l'espoir de générer suffisamment de commandes fermes pour finir d'utiliser tous les châssis achetés à Renault. Rien n'indique cependant que le moindre exemplaire ait pu se vendre par ce biais.

D'autres documents internes montrent que la Henney Coachworks avait obtenu de Renault un permis de construire un total de 100 voitures électriques sur base de Dauphine. Toutefois Eureka Williams ne parvint pas à produire le système 72V suffisamment rapidement et à un coût suffisamment bas pour respecter le prix fixé au départ de 3600 $. De ce fait, très peu des carrosseries de Dauphines furent réellement terminées sous la forme de véhicules électriques. Le reste des châssis de Kilowatt présents dans l'inventaire de la société fut racheté par un négociant de Floride dont l'identité n'a jamais été révélée. On sait seulement qu'il monta dessus des moteurs à combustion classiques et les revendit comme des Renault Dauphine toutes simples.

Henney Motor Co. revendit la Oneida School Bus Company à Marmon-Harrington en 1960, suite à l'échec de la Kilowatt, et plus tard la même année, la National Union Electric Corp. fusionna avec la Eureka Williams Company pour former la Eureka-Williams Corp. Eureka-Williams continua à fabriquer des batteries acide-plomb, des aspirateurs ainsi qu'une nouvelle gamme de mobilier de bureau en acier, avant d'être rachetée par le géant suédois de l'électroménager AB Electrolux en 1974.

Sur les 32 Henney Kilowatt clairement identifiées, on estime que deux "survivantes" roulent encore de temps en temps, et que moins d'une dizaine d'autres exemplaires non-roulables ont survécu dans des états divers.

Stéphane BEAUMORT

Sources : Wikipedia et Dauphinomaniac. Voir également le site Intrepid Travelers

Voir également les autres Dauphine électriques.

Voir aussi notre galerie de photos exclusives de la Kilowatt.

Les batteries ne laissent pas la moindre place
pour des bagages, encore moins des passagers !