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Alpine A2000 : un canular qui a la vie dure !

 

Deux des 15 GTA destinées aux USA.

Le prototype P23 réalisé pour AMC.

Une maquette taille 1 après restylage.

L'Alpine A480 à moteur V6 central.

L'influence DeLorean est évidente.

L'arrière n'a rien d'Alpine dans le design, et avec son arrière plat à la manière des modèles phares d'American Motors, affiche clairement ses ambitions américaines

Une rare étude interne de faisabilité de l'A2000.

Photo de promotion du prototype A2000.

Un article du Parisien révèle l'A2000.

L'Alpine A2000 restaurée par Fred Fishman, lors d'une de ses rares visites sur le sol français. 

Détail de la photo précédente. 

Mêmes portes en élytres pour le concept-car Gabbiano, présenté en 1983... Coïncidence ?

Non ! En réalité, elles ont toutes deux le même père, le designer italien Giorgetto Giugiaro.

Ayant toujours apprécié la tradition des poissons d'avril dans la presse spécialisée, j'avais réalisé en 2009 un canular d'envergure pour ce site dans le même esprit, en inventant l'Alpine DMC (ou A2000), une version française de la fameuse DeLorean DMC-12. Malheureusement, ceux qui tombaient sur la page n'ont pas forcément vu la mention un peu cachée en bas de page pour dire qu'il s'agissait d'un canular... et une fois qu'un faux est en circulation, il est très difficile de l'arrêter ! Du coup, il y a encore aujourd'hui des internautes convaincus que ce projet a réellement existé... Il faut dire que l'accumulation de vrais éléments d'information avait parfois de quoi dérouter... Voici donc l'article tel que publié à l'origine, mais avec un code couleur pour vous y retrouver :

  • En BLEU, tous les VRAIES INFOS ayant servi à rendre le canular plus crédible.
  • En ROUGE, tout ce qui est une PURE INVENTION.
  • Les photos de l'Alpine GTA, de l'Espace, de la Le Car Turbo et de la Gabbiano (seule) sont AUTHENTIQUES.
  • TOUTES LES AUTRES PHOTOS (entourées de rouge) ONT ÉTÉ BIDOUILLÉES, d'une manière ou d'une autre (le plus souvent en remplaçant les logos DeLorean par des logos Renault).

Cette mésaventure, ainsi que celle de la Dacia Rondo, m'ont convaincu d'arrêter de publier de fausses voitures sur le web sans expliciter clairement le fait qu'il s'agisse d'une invention, afin de ne pas induire qui que ce soit en erreur et surtout d'éviter la propagation de fausses informations, comme c'est hélas arrivé. J'adresse à ce propos toutes mes excuses sincères à ceux qui ont pris ce canular pour quelque chose d'authentique.


Alpine A2000/DMC : l'échec d'une fausse bonne idée

Ancien directeur général de Pontiac en 1965, puis de Chevrolet en 1969, puis vice-président de la General Motors dès 1972, John Zachary DeLorean jette un pavé dans la mare lorsqu’il propose en 1975 une voiture « éthique », axée sur la sécurité et l'environnement, et dont les matériaux choisis seraient un gage de longevité (au contraire des grands constructeurs de l'époque, dont l'objectif était de vendre un véhicule neuf tous les cinq ans). Présenté en 1976, le prototype DSV (DeLorean Safety Vehicle), est en effet doté de tous les organes de sécurité que nous connaissons aujourd’hui : pare-chocs et châssis à déformation, airbags, protections du passager, freinage. Il utilise le moteur Peugeot-Renault-Volvo PRV V6 à injection, déjà certifié aux normes anti-pollution américaines (1).

La technique révolutionnaire que DeLorean et son équipe ont prévu d’utiliser pour assembler le châssis s’avère inadaptée pour une production de masse, et les délais de mise au point ne peuvent être tenus. DeLorean fait donc appel à l’expertise de Colin Chapman, fondateur et dirigeant de Lotus, qui remplace la plupart des matériaux douteux et impose des techniques de fabrication éprouvées sur ses propres modèles : rebaptisée DMC-12, la DeLorean se voit dotée de la suspension et du châssis de la Lotus Esprit, mais ses caractéristiques essentielles sont conservées : la ligne, signée Giorgetto Giugiaro, les portes papillon et la carrosserie en acier inoxydable.

La DMC-12 est en avance sur son temps grâce a des caractéristiques avant-gardistes : matériaux durables, pare-chocs à absorption et châssis déformable, quatre disques de frein, injection, climatisation, rétroviseurs et vitres électriques, condamnation centralisée, jantes alliage, système audio… autant d’équipements qui font de la DMC-12 une auto fiable, indémodable et intemporelle. La tenue de route, le confort et la maniabilité restent appréciables, même un quart de siècle plus tard.

La DMC-12 sera construite à Dunmurry, en Irlande du Nord, dans la banlieue de Belfast, grâce à des fonds attribués principalement par le gouvernement britannique qui souhaite endiguer les conflits virulents de l'époque en y apportant des emplois. La construction de l'usine débute en octobre 1978 et la production des DMC-12, prévue en 1979, ne peut commencer qu'en 1981 en raison des problèmes de mise au point. Les employés sont pour la plupart inexpérimentés et la qualité de fabrication laisse a désirer, à tel point que les premiers modèles expédiés aux États-Unis doivent être partiellement démontés puis ré-assemblés. Ces problèmes de qualité sont résolus dès 1982, date à partir de laquelle les DMC-12 sont vendues avec une garantie de cinq ans ou 80 000 km.

C’est à cette même époque que Renault, qui a racheté le troisième constructeur américain AMC (American Motors Corporation), se lance avec succès dans la fabrication et la diffusion sur le territoire américain de l’Alliance, en 1982, puis de la Encore l'année suivante, versions locales des Renault 9 et 11 qui connaissent immédiatement un joli succès. À ces berlines de dimension modeste pour le marché américain s’ajoutent la Renault 18 ainsi que sa version break, dite Sportswagon, et le coupé Fuego. Mais Renault souhaite offrir au plus vite une gamme complète de produits pour asseoir sa présence dans cette région du monde. AMC possède bien la gamme Jeep, qui est donc tombée dans le giron de Renault, mais il manque encore à la marque un monospace et un coupé sportif pour concurrencer les trois majors de Detroit. Des prototypes d’Espace et d’Alpine seront donc spécialement réalisés pour le marché américain en vue d’une production à l’horizon 1985.

Le prototype DeLorean intéresse les responsables d’AMC. Renault a bien tenté de réaliser à Dieppe une Alpine d’un nouveau genre, un coupé à moteur V6 central désigné A480, dans l’espoir de la proposer au marché américain, mais le projet n’a pas abouti. Or cette Alpine rappelait par ses lignes le style de la DeLorean. Outre le fait qu’aucun modèle n’est venu remplacer le vide laissé par les coupés Hornet et AMX, la DMC-12 offrirait à AMC un produit à la fois novateur et prestigieux, et qui ne coûterait rien en termes de développement. Le fait qu’elle utilise un bloc moteur éprouvé V6 sur les Renault européennes et puisse réutiliser un certain nombre d’éléments communs aux modèles AMC plaide en faveur d’un rapprochement avec DeLorean.

Les dirigeants d’AMC-Renault et DMC se rencontrent à plusieurs reprises, et John DeLorean, qui commence à souffrir des surcoûts occasionnés par la fabrication de son modèle hors du territoire américain, est plutôt séduit par l’idée de faire produire la DMC-12 aux Etats-Unis, mais il hésite encore, craignant de voir l’identité de sa création se diluer dans une gamme qui effacerait ses singularités. Hélas, la DeLorean Motor Company fait faillite fin 1982, et cesse toute activité suite à l'arrestation de John DeLorean en octobre pour trafic de stupéfiants (il sera plus tard innocenté). Une centaine de DMC-12 partiellement assemblées sont terminées par la société Consolidated International, d'où la présence de modèles neufs sur le marché jusqu'en 1983.

AMC-Renault réussit à négocier la reprise du modèle et sa poursuite sous la marque Renault, à condition d’assurer le service après-vente des exemplaires déjà produits par DeLorean. Les stocks de pièces de l'usine, du service de garantie, ainsi que les pièces fabriquées par les sous-traitants mais non livrées, sont expédiés en 1983–1984 à Columbus, dans l’Ohio. L’équivalent en pièces détachées de trois véhicules complets est expédié en France à l’usine Alpine de Dieppe afin de pouvoir produire deux prototypes de la DeLorean rebadgée : le premier sera expédié aux Etats-Unis comme démonstrateur et y subira une batterie d’essais ; le second restera en France pour être testé selon les normes européennes afin d’étudier la possibilité d’une production locale en petite série. Dans la mesure où le nom DeLorean ne dit rien au public européen, celui d’Alpine A2000 est choisi pour ce second prototype ; AMC-Renault, en revanche, préfèrera jouer sur le renom du modèle original outre-Atlantique en baptisant simplement son prototype Alpine DMC.

En termes d’image, l’Alpine DMC s’insère à merveille dans la gamme Renault américaine. Sa calandre aux phares rectangulaires et à la grille striée horizontalement est quasiment identique à celle des Alliance et des Encore. Quelques modifications cosmétiques seront nécessaires dans l’habitacle et sur les feux arrières, mais rien de bien compliqué. Reste le système d’ouverture des portes en élytre, inhabituel pour la marque. Pour mieux tester cette mini-révolution, AMC va faire installer ce système sur deux exemplaires recarrossés de la Le Car (la Renault 5 américaine) qui serviront de pace cars lors du Grand Prix d’Indianapolis à l’été 1983. Le succès de ces bolides sur les pistes conforte le directoire d’AMC-Renault que la DMC est un ajout pertinent à sa gamme. En parallèle, Guigiaro, qui a dessiné la DMC-12 pour DeLorean, prépare aussi pour Renault, sur le même principe d’ouverture de portes, un prototype spécial sur base de Renault 11 : le Gabbiano. Il sera révélé en 1983 mais ne débouchera sur aucune application en série.

Le second prototype, désigné Alpine A2000, est terminé début 1984 et testé dans le plus grand secret. C’est durant les deux semaines d’essais en plein air à Dieppe (début mai 1984) que le prototype sera aperçu par un journaliste du Parisien qui, ayant reconnu les lignes d’une DeLorean, écrira en date du 9 mai un petit article sur le prototype. Ce papier passera largement inaperçu en page 4 de l’édition régionale du quotidien, et même la presse automobile de l’époque ne relayera que timidement l’information, croyant dans un premier temps à un canular (2).

En février 1985, alors que les trois nouveaux modèles Espace, GTA et DMC sont déjà près d’être inclus au nouveau catalogue d’AMC-Renault, et que l’usine de Kenosha se prépare à accueillir l’outillage pour les assembler, les chiffres des ventes de l’année passée tombent : la marque accuse une baisse des ventes significative, et les retours en concession des Alliance et Encore se font de plus en plus nombreux suite à des défaillances de l’électronique embarquée, un domaine encore mal maîtrisé par le constructeur. Il n’est alors plus question de prendre le risque d’étendre la gamme : il faut rassurer au plus vite la clientèle sur la fiabilité des modèles déjà vendus et recentrer les investissements sur leur amélioration.

Seules deux des quinze Alpine GTA américaines construites à Dieppe (modèle D50A) seront finalement importées avant l’arrêt du projet, l’Espace n’ayant pas dépassé quant à lui le stade du démonstrateur. Quant à l’Alpine DMC, cela fait deux ans qu’aucun nouvel exemplaire de DeLorean n’a été fabriqué et vendu, et l’intérêt du public pour la DeLorean commence à s’amenuiser, du moins le croit-on chez AMC. Ironie du sort : à peine dix jours après l’annonce officielle de l’abandon du programme, Hollywood présente « Back to the Future » (Retour vers le futur), premier volet d’une trilogie qui rendra la DeLorean DMC-12 populaire bien au-delà des Etats-Unis. Mais il est déjà trop tard. Le seul prototype reçu de la France est remisé dans un hangar, puis repris pour une bouchée de pain par un cadre de Chrysler lors du rachat d’AMC à Renault en 1987. Retransformé en DeLorean, il sera fatalement endommagé lors d’un accident de la route en novembre 1998 et mis à la ferraille.

Le deuxième des prototypes assemblés à Dieppe, l'A2000, destiné à évaluer une possible commercialisation en Europe, a été expédié en Angleterre chez Lotus pour des essais complémentaires, mais après l’abandon du programme, le prototype est rendu à Renault et laissé à l’abandon. Il finira par être retrouvé et restauré en 2006 par Fred Fishman, un passionné basé au Pays de Galles, qui en a fait son véhicule personnel et attire toujours autant de regards sur son passage. Il faut dire que les De Lorean ne sont pas légion sur le sol européen… surtout avec un logo Renault sur la calandre ! Quand au troisième exemplaire, il n’a jamais été assemblé par Dieppe et personne chez Alpine n’est en mesure de dire ce que sont devenues les caisses qui le contenaient.

Les pièces de DMC-12 produites par DeLorean avant la faillite de la société en 1983 et entreposées dans l’Ohio seront finalement vendues en gros et au détail par correspondance par la société KAPAC. En 1997, le stock de pièces restantes, une partie de l'outillage d'époque, ainsi que les droits sur les noms et logos, seront rachetés à KAPAC par une nouvelle société, la DeLorean Motor Company of Texas, créée à Houston pour distribuer les pièces détachées et en développer de nouvelles en cas de pénurie. 99 % des pièces sont ainsi disponibles, garantissant une longue vie aux DeLorean toujours sur les routes.

 

Sources principales : Wikipedia, archives AMC (fonds Chrysler)

Un grand merci à April et Fred Fishman pour les photos de leur A2000 ainsi qu'à Jen Uwine de chez Chrysler pour les photos des documents d'archives.

 

1. Après avoir renoncé au moteur rotatif Wankel, le premier prototype avait été équipé d'un 4 cylindres Citroën !
2. L’unique photo et le nom du modèle seront toutefois suffisamment évocateurs pour inspirer aux responsables de l’unité de divertissements de TF1 le nom de « K2000 » comme traduction française du titre de la série « Knight Rider » !

Le projet initial de dossier de presse pour la gamme 1986
contient la mention des trois nouveaux produits de la gamme.

Rencontre au sommet pour les deux créations de Giugiaro :
la DeLorean devenue DMC, et la Gabbiano.


 

Voilà. J'espère que ce poisson d'avril vous aura un peu amusé, et qu'au final vous aurez tout de même découvert grâce au texte en bleu des informations intéressantes sur la DeLorean et la Gabbiano...

Si vous parlez couramment l'anglais, vous aviez peut-être trouvé que certains noms "sentaient le poisson" : ce "Fred Fishman" par exemple (un "homme-poisson" dont la femme se prénomme "Avril"...), ou encore "Jen Uwine" ("genuine" signifie "authentique")...

 Dossier d'étude du projet adressé aux cadres d'American Motors en juin 1983.

Les 4 photos de présentation incluses, sans doute des DeLorean retouchées

La Le Car Turbo spécialement recarrossée pour le grand prix d'Indianapolis et sponsorisée par le fabricant de peintures PPG présente des portes en élytres similaires à celles de la DeLorean...

La Le Car PPG en cours de restauration

Le devant de la DMC, et en bas celui de la Encore : une unité stylistique évidente.

 Document promo de la DMC, peu diffusé.

 Dos du document de promotion.

 Projet de plaquette de présentation pour Gabbiano et DMC au Salon de Detroit.

  La 4e de couverture du catalogue 1986 devait au départ accueillir l'Espace, l'Alpine GTA et l'Alpine DMC...

... le catalogue finalement diffusé dès septembre 1985 laisse voir un grand vide en bas de page... 3 modèles retirés au dernier moment !