Renault Concepts
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Andino GT : une Argentine de haut vol !

 

Le prototype Renault GT mis au banc d'essai par la revue argentine Corsa en 1968. Il s'agit clairement de la voiture la plus ambitieuse jamais produite jusqu'alors en Argentine.

Plusieurs vues de la Renault GT en construction. La carrosserie métallique sera rapidement remplacée par de la fibre de verre.

Luis Varela et son prototype Renault GT. On a peine à croire qu'un modèle aussi abouti ait pu jaillir du cerveau d'un jeune autodidacte de 19 ans !

1968. Tandis qu'en France les révoltes grondent, un petit génie argentin de 19 ans crée à des milliers de kilomètres de la sa petite révolution... elle s'appelle la Renault G.T., et personne en Argentine n'a alors jamais imaginé – et encore moins réalisé – une voiture aussi moderne et ambitieuse.

Les années 60 en Argentine connaissent un boom jamais égalé dans la conception et la construction de voitures de course. La réglementation autorise alors la « création » de véhicules de course, et c'est ainsi que naissent des voitures qui deviendront au fil du temps de véritables légendes : la Halcón de Heriberto Pronello, la Huayra de Horacio Steven, la Trueno orange et La Garrafa, créations des frères Bellavigna, ou encore les fameuses Liebres de Oreste Berta comptent parmi les nombreux exemples de cette épopée.

Une catégorie de course "Gran Turismo Argentino" est ensuite créée, et concepteurs et artisans démarrent alors la production à petite échelle de voitures de type GT en série limitée : les Tuliettas et les Tulias de Tulio Crespi, la Dogo SS conçue par Clemar Bucci (et finalement jamais produite), la Comahue 2000, et celle qui nous intéresse aujourd'hui, l'Andino GT, sans doute le projet le plus accompli et le plus ambitieux du lot. À seulement 19 ans, Luis M. G. Varela, qui a déjà réalisé une Berlineta sur base de Fiat 600 et le coupé Dauphine Varela R, conçoit cette GT avec la simplicité légendaire qui le caractérise et qu'il a conservée jusqu'à ce jour. Le projet commence à prendre forme à la mi-1966, avec pour inspiration la légendaire Alfa Romeo Giulia Canguro, une voiture unique qui a fait sur Varela une forte impression.

Avec l'innocence de l'adolescent qu'il est encore, Varela se dit que si la voiture possédait une mécanique argentine, sa voiture pourrait gagner le soutien de certains réseaux de distribution locaux. Celle qui s'appelle encore simplement la Renault GT est donc conçue dès le départ autour d'un moteur Renault 850 cc Gordini pris sur la version argentine de la Dauphine : situés à l'arrière de la voiture, le moteur et la transmission pourront ainsi être très facilement remplacés, même durant une course. Avec sa mallette pleine de dessins sous le bras, Varela partit pour Cordoba présenter son projet à IKA-Renault. Bien que le projet sut séduire les responsables, Varela, qui avait au moins espéré repartir avec au moins un moteur et une boîte pour assembler la première voiture, dut repartir bredouille.

Par l'intermédiaire des Acikar (un regroupement de concessionnaires IKA qui apportaient leur soutien aux pilotes de la marque), Varela entra en contact avec les gens de Nueve de Julio Automotores S.R.L. (dans la ville du même nom). L'associé gérant, Roberto B. Lui, vit dans l'Andino GT un projet intéressant. Lito Cistz reçut la charge de concevoir la carrosserie de l'Andino en aluminium et en fibre de verre, et c'est à lui et à son savoir-faire artisanal qu'on doit les formes définitives du modèle. Au départ, le prototype Andino a été pensé comme un véhicule destiné à concourir dans la catégorie Gran Turismo Argentino. Quand la catégorie GTA est abandonnée, toutefois, la Renault GT devra s'adapter à un contexte plus domestique, celui de routière sportive. Le premier essai roulant eut lieu le 25 août 1968, curieusement le jour où aurait dû se tenir la première course de la catégorie Gran Turismo Argentino.

La voiture réussit tous les tests auxquels elle est soumise par les techniciens d'IKA. Après l'avoir rudoyée comme il se doit, ils n'auront que deux observations à faire : le bouchon du réservoir d'essence est situé à l'intérieur du compartiment moteur (comme sur la Gordini fabriquée par IKA) mais il va devoir être placé à l'extérieur, sur l'aile ; il faudra aussi modifier le plancher, car entre le coffre et l'aile il n'y a pas assez de place pour bouger les pieds.

Le châssis de la voiture, qui a été construit à Nueve de Julio par la firme Spina Hnos. (fabricants de machines agricoles) est similaire à ceux de la De Tomaso Vallelunga ou de la Lotus Elan, construits autour d'un axe central avec trois cadres transversaux. L'habitacle à deux places est fermé, et le moteur est situé à l'arrière. Les jantes en titane de 5,5 pouces de diamètre sont d'un modèle exclusif dessiné par Ruedas Argentinas, et équipées de pneus Goodyear Speedway 690x14 à ruban bleu.

La Renault GT est un voiture unique et exclusive, mais qui possède un gros avantage : toutes ses pièces (suspensions, moteur, accessoires...) appartiennent à la Renault Gordini, la Dauphine argentine ; et puisqu'elle a reçu l'approbation d'IKA-Renault Argentina, sa version de série jouira donc de la garantie usine. Commercialisée dès 1969 à Buenos Aires par le concessionnaire Donatti Hnos. (où s'est la présentation officielle de la voiture) et à Nueve de Julio, par Nueve de Julio Automotores, l'Andino GT fait l'objet d'un banc d'essai exclusif du magazine automobile argentin Corsa Magazine, qui contribuera à créer le désir auprès des amateurs de véhicules sportifs.

Quelques mois plus, tard, la revue présente le modèle de série, et entre temps il a changé de nom : la belle sportive s'appelle désormais l'Andino GT. La raison de ce changement n'est pas claire, mais puisqu'elle n'arborera ni le logo Renault, ni celui d'IKA, on peut supposer que la maison-mère ait accepté de le distribuer localement à condition qu'elle ne soit pas clairement estampillée de la marque au losange. Deux versions sont proposées au départ : le modèle standard, qui ne dépasse pas les 145 km/h, et une variante plus puissante dénommée "Anexo J" qui monte à 160 km/h.

La voiture a des lignes agressives: un profil qui se rétrécit en pente douce vers un arrière de type "fastback", très moderne pour l'époque. Les entrées d'air latérales pour le moteur et le refroidisseur d'huile ajoutent à son style dynamique. L'Andino GT possède toutes les caractéristiques de la voiture d'une "vraie" voiture de sport, et offre donc un intérieur original à la finition soignée, extrêmement confortable et très agréable. Elle présente un tableau de bord complet situé au centre de la planche de bord, et comprenant radio et chauffage en série. Parmi les éléments davantage marqués « course » on peut citer un essuie-glace singulier à parallélogramme déformable, capable d'épouser un pare-brise de courbure et d'inclinaison importantes.

Les premières voitures possédent la grande verrière arrière du prototype, mais lors des essais effectués par Varela à grande vitesse, il apparaît qu'elles se détachent dans les virages. Il faut donc les remplacer par un capotage assez similaire à celui des Ferrari 250 LM. Autres modifications apportées sur les modèles de série : les portes recoivent des barreaux pour permettre une ouverture partielle de la surface vitrée, et des pare-chocs sont ajoutés à l'avant et à l'arrière ; la forme des ouies des feux avant est également modifiée. Les premiers exemplaires (pas plus de six ou sept) seront construits en aluminium, et tous les suivants en fibre de verre, chaque carrosserie en fibre de verre nécessitant une dizaine de jours de travail pour sa fabrication.

On estime que seulement 90 voitures ont été construites, en deux phases ou séries : 1970-1971 (moteur 850 cc) et 1976-1978 (moteur 1200 cc). L'intervalle entre les deux phases de production s'explique peut-être par le fait que l'outillage d'origine a été détruit dans un incendie. La deuxième série sera distribuée à Buenos Aires par le Buggy Center, qui décidera de changer les feux arrière de la série 1, issus de la Torino, par des éléments pris sur la Fiat 125. L'Andino GT, modèle sportif de fabrication artisanale, est devenue un classique 100% argentin qui, comme tant d'autres voitures de la production nationale « oubliée », est fort apprécié par les amateurs de voitures classiques et de sport, qui le restaurent scrupuleusement dans son état d'origine.

Adapté librement de plusieurs articles, principalement celui de Estanislao M. Iacona.

Fiche technique

Marque Renault
Modèle Renault GT (prototype), Andino GT
Designer Luis Varela
Production 25/8/68 (premier prototype)-1976
Constructeur Automotores 9 de Julio S.R.L.

Dimensions

Empattement 2,26 m
Jauge avant et arrière 1.30 m (2 pouces plus large que la jauge d'origine Renault)
Largeur maximale 1,62 m
Hauteur à vide 1,04 m
Garde au sol 12 cm (au niveau du carter)
Surface avant diminuée de 35% par rapport à la Renault Gordini
Poids total 580 kg
Répartition du poids 44% avant et 56 arrière* (le pourcentage reste constant même avec deux personnes dans la voiture)

* d'autres sources donnent un poids de 620 kg et une répartition de 45%-55%

Construction

Châssis type poutre central en acier de 3mm d'épaisseur
Carrosserie Gran Turismo monocoque fermée à deux portes
Construction Habitacle deux places construit en tôle d'acier, parties avant et arrière construites en tube en plastique

Motorisation

Type moteur 4 cylindres – Renault 850cc (prototype), 1093cc (version standard), 1200cc (préparation "anexo J")*
Position situé en position centrale, face à l'essieu arrière
Puissance estimée 40 cv à 6800 tr/min

Cette dernière était installée par Berta, Battelli ou Antelo sur demande.

Équipements

Refroidisseur d'huile

oui

Système d'allumage alimenté par un alternateur 12 volts
Boîte de vitesse Renault 4 vitesses d'origine, pivotée à 180°
Suspension Renault Gordini d'origine (excepté l'addition d'une tension longitudinale vers l'arrière, absorbant les efforts d'accélération et de freinage)
Direction à crémaillère Renault d'origine
Freins à disques Bendix sur les quatre roues

Cette vue montre bien l'essuie-glace spécialement dessiné pourle vaste pare-brise incliné de la Renault GT.

Présentation du modèle de série, l'Andino GT. La grande verrière arrière a fait place à un capotage moins ambitieux mais plus fonctionnel.

L'habitacle futuriste du prototype (en haut) est remplacé par un intérieur plus sobre sur le modèle de série (en bas) mais moins coûteux à produire.

Plusieurs Andino GT ont été conservées en état de marche et magnifiquement restaurées par leurs propriétaires.