FM : J'ai fait 2 ans de prépa integrée à l'ISD de Valenciennes, et 3 ans à Strate Collège Designers, avec options transport et spatial. SB : Vous avez obtenu, à l'issue de votre formation au Strate, un stage qualifiant chez Renault Design. Ce type de stage ne semble pas systématique... FM : Non, tous les lauréats de Strate n'obtiennent pas un stage chez Renault, ce stage est proposé aprés une selection de dossiers et d'entretiens. SB : Parlez-nous de la genèse du projet "Shkval". Et d'abord, que signifie ce nom ? FM : "Shkval" veut dire "grain" ou "vent marin violent", en russe. L'enjeu était de trouver un concept de mobilité nouveau, fondé sur les dernières technologies aéronautiques qui sont détaillées dans mon mémoire (disponible sur le site de Strate Collège, rubrique diplôme 2008). Le projet a pour principal concept "l'instabilité controlée", c'est-à-dire que l'objet à été créé instable et qu'il est stabilisé par une multitude de systèmes aérodynamiques actifs, lesquels sont gérés automatiquement par les commandes numériques et les ordinateurs de bord. SB : C'est déjà le cas de nombreux modèles d'avions volant actuellement, non ? Il me semble par exemple que les Airbus A320 sont naturellement instables... Et la plupart des derniers avions de combat aussi... FM : Oui. En clair, le pilote est hors de la boucle, et la machine interprète les actions du pilote sur les commandes pour agir sur l'ensemble de l'appareil. Ce système permet de rendre pilotable un objet en équilibre, comme pour le Segway, qui se stabilise automatiquement. SB : Le Segway fonctionne sur un principe gyroscopique, ce qui n'est pas le cas d'un avion de combat, non ? FM : Oui, j'ai pris l'exemple du Segway car ce vehicule s'équilibre naturellement, sans action de la part du pilote. SB : Pourquoi avoir été intéressé par l'idée d'un objet en équilibre ? FM : J'ai voulu un objet rapide sur l'eau et accessible, j'ai donc mélangé le concept de l'hydroplane (ou hydravion) et celui de l'ekranoplane, pour une plus grande souplesse d'utilisation. L'hydravion a des appuis sur l'eau, il peut donc avoir une vitesse faible, de bons appuis et une certaine maneuvrabilité ; en revanche il est très instable à haute vitesse. L'ekranoplane, lui, est stable à haute vitesse mais demande une phase de décollage.
FM : Le Shkval a deux points d'appuis sur l'eau, à l'arrière, où sont logées les deux turbines marines vectorielles (guidées automatiquement), le troisième point d'appui étant l'avant du vehicule, qui est aérien grâce à un fuselage porteur et à l'effet de sol qu'il produit (comme l'ekranoplane). Le cabrage du véhicule est variable selon la vitesse, donc l'objet est en équilibre. SB : Vous parlez de cabrage... Cela évoque forcément les avions de chasse... et surtout le Sukhoi Su-27 et son fameux "cobra"... FM : Oui, j'ai été trés inspiré par le cabrage des avion russes, et notamment leur vol au ralenti, avec les appendices aerodynamiques qui rectifient l'équilibre. Quand l'avion est très cabré, il joue avec l'équilibre des forces que sont la poussée des moteurs et la portance du fuselage. En revanche, lorsqu'il accelère, il revient plus à plat : il en découle une souplesse d'utilisation, l'avion étant contrôlable autant à grande vitesse qu'à vitesse réduite. SB : Par contre, pour le pilote du Shkval, il vaut mieux que le siège possède un système de stabilisation gyroscopique sinon ça risque d'être particulièrement agité et vomitif comme expérience ! FM : Pour réduire cet effet "vomitif" j'ai installé le poste de pilotage en arrière, proche de l'axe de cabrage, afin de minimiser l'amplitude dans le cockpit. SB : Le "Shkval" n'est-il qu'un véhicule de science-fiction, ou bien repose-t-il sur des principes transférables dans le monde réel ? FM : Etant passionné d'aéronautique, j'ai essayé de faire un vehicule assez réaliste, en utilisant des concepts et des technologies éprouvées. Le défi était de faire un design le plus justifié possible, comme en aéronautique ; le style, lui, en découle. Le design du véhicule à également été conçu de façon a procurer une déformation programmée du fuselage en composite, pour mieux gérer les contraintes mécaniques (ce concept est utilisé sur les ailes d'avions en composite). Certes, seule une longue et couteuse étude en soufflerie, CAO et ingénieurie aurait put valider un tel objet, mais là n'était pas le but, je voulais un concept nouveau et théoriquement réaliste.
FM : Oui, le film aurait dû être beaucoup plus long... il a été écourté par manque de temps. J'étais seul à gérer les modeleurs chez Renault et une équipe chez 3e Oeil, ce qui fut très éprouvant, surtout dans un laps de temps si court. Beaucoup d'éléments ont été dessinés, de la séquence complexe d'ouverture de l'appareil jusqu'à la grue pour le sortir de l'eau, en passant par la station flottante et plein d'autre éléments. Je prévois de mettre bientôt sur un blog ou un site les dessins du projet, car seulement une petite partie a été communiquée. SB : Un projet comme celui du Shkval, cela s'inscrit dans quelle durée ? FM : un an de travail : six mois de recherche pour le mémoire, etc., puis six mois de stages. Gel du design au bout de quatre mois de recherches, ensuite modelage en numérique chez Renault, et travail en parallèle chez 3e Oeil... même un an après, je ne trouverais plus la force de le refaire... SB : Merci beaucoup Florent pour ce témoignage, et bravo pour votre talent et votre imagination.
Florent pose devant un vénérable Antonov An-22 soviétique.
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